Yann est poursuivi : il dévale la pente de la colline : ses jambes décrivent de grands moulinets à toute allure. Bien sûr, cest une nuit sans lune, avec un orage magistral : éclairs, pluie : sons et lumière garantis. Bien sûr, il est talonné par des gens vraiment pas contents du tout.
En fait, Yann dévale une pente sacrément pentue, bigrement glissante, et foutrement peuplée de gens pas contents (oui, il préférerait être autre part).
Regardons de plus prés cette masse de mécontentement : on observe des fées en furie, des korrigans kamikazes, des faloys fous, des trolls tueurs, des gobelins goulus, et dautres hafelins tout aussi indésirables.
Yann, lui, na vraiment pas envie de regarder de plus prés. Il sert contre lui un paquet diffusant une lueur rouge pulsatile, semblant rythmer les rapides enjambées du jeune homme.
Revenons un peu en arrière
Yann, jeune marié, habite avec sa femme une jolie hutte, dans un joli village, proche dune jolie forêt, en contrebas dune jolie montagne. On pourra remarquer que sa femme, elle, ne lest pas (jolie) : en effet, son physique fait penser que certaines femmes sont peu être plus sensibles à la gravité que dautres, ce qui na aucune importance dans les événements qui vont suivre, quoique peut-être, cest pas sûr.
Or donc, un (joli) matin, au réveil, sa femme lui dit dun ton déterminé et réfléchi :
- « Je veux un enfant »
Oui oui, comme ça : au réveil. Déterminé. Et réfléchi.
Sur quoi, Yann répondit :
- « Oh »
Sen suivit une discussion sur les cigognes, les abeilles, les roses, les choux, les petites graines et le sexe. Surtout sur le sexe, en fait.
Après quoi, Yann découvrit que le plus intéressant chez les enfants, cest de les faire.
Mais après des dizaines de nuits épuisantes, il dû se rendre à lévidence : que se soit sur le lit, au sous-sol ou au grenier, peu importe la position, et avec ou sans ses sous-vêtements Aubade, sa femme sobstinait à demeurer pas enceinte du tout.
Même pas un tout petit peu pour lui faire plaisir : non : rien du tout (elle y mettait vraiment de la mauvaise volonté).
Vint une seconde discussion sur les tuyaux, les robinets, les bouchons, les cycles, et sur le sexe aussi. Oui, en fait, encore surtout sur le sexe.
Sa femme se rappela alors que sa mère lui avait parlé de certains facteurs héréditaires dans la famille : une histoire de fertilité pas très au top, et dune tendance à lhypersensibilité gravitationnelle (c'est-à-dire que la plupart des parties de son corps ont tendance à pendouiller) : facteurs ayant failli causé lextinction de la famille à plusieurs reprises.
Devant tout problème de ce genre : un seule solution : la vieille du village.
(oui : LA vieille : par des méthodes secrètes nécessitant une scie, un mouchoir, deux raton laveurs, une pelle et un litre deau-de-vie, les autorités du pays maintenaient une démographie stable de un vieux par village).
Yann lui exposa donc son problème ; la vieille réfléchit : un long silence sinstalla : Yann attendit, puis attendit encore.
Après quoi, il la réveilla, lui expliqua à nouveau son problème et écouta sa réponse :
« Yann, voici la solution à ton problème : pars dans la forêt à lest du village là où vivent encore les créatures de Faërie et rapporte une jeune fée enceinte : place-là sous votre lit et tes problèmes de fertilité disparaîtront ».
Yann pensa alors : « Elle est marrante la vieille. Toujours le mot pour rire : à lest, dans la forêt. Ha ha. Je ris. Très drôle la vieille. «créatures de Faërie » ? Elle est complètement gâteuse ! Des boules de dents, crocs et griffes enrobés de méchanceté bileuse : voilà ce quil y a à lest ! »
Sur ce, Yann prit son courage à deux mains et se rendit compte quune seule suffisait amplement. Il partit néanmoins pour la forêt car chacun sait quil faut toujours écouter les vieilles (et quil en avait marre de ne pas pouvoir dormir la nuit).
A lest du village, un petit chemin montait en serpentant sur les flancs dune colline jusquà la forêt. Personne nempruntait jamais ce chemin. Le chemin était impeccablement entretenu.
Yann ne pu sempêcher davoir limpression dêtre attendu pour dîner, ou plutôt pour être dîné. Il navait maintenant besoin que de deux doigts pour porter son courage et savança sur le sentier.