Aux reflets des étoiles, épars sur la lagune,
Se mêlaient les lueurs des palais endormis.
Lentement, fantôme glissant sur les eaux brunes,
La gondole avançait en se frayant parmi
Les poteaux enfonçés dans la vase du canal,
Un chemin hasardeux qui ressemble à ma vie.
Une odeur d'encaustique, entêtante et banale,
S'exhalait du bois sombre. Au loin, sur le parvis,
Devant les lions dressés, gueule ouverte, vers l'orient,
Une silhouette fine, drapée jusqu'aux chevilles
D'un manteau noir et lourd, s'échappait en riant,
Ramenant sur son front les plis de sa mantille.
Costumes de carnaval loués pour une nuit
Qui tomberont demain des épaules lassées,
Quand un morne matin, qui distille l'ennui,
Fera de ces folies déjà notre passé.
Sous mes voiles de crêpe, qui suis-je pour l'instant?
Et toi, beau masque ami, qui ce soir me dit tienne
Pour toujours? Quel avenir avec le printemps?
L'amour jadis promis par la cartomancienne?
Ou juste un inconnu, que je ne reverrai,
Sans plus de trémolos, ni de ville magicienne,
Que dans ces nuits de veille où tu viendras errer.