A
Anonyme
Invité
Les 25 et 26 mai derniers, CSA réalisait un sondage dont la première question était : « Parmi les événements historiques du XXe siècle que je vais vous citer, lequel vous paraît avoir eu le plus grand impact sur notre époque ? » À quelques jours des importantes cérémonies organisées sur les plages de Normandie, une large majorité (57 %) des personnes interrogées a répondu : « Le débarquement du 6 juin 1944 », « La chute du mur de Berlin » n'arrivant, de peu (49 %) qu'en deuxième position. Bien qu'on puisse les juger quelque peu faussées par la proximité du 60e anniversaire du jour J, ces réponses n'en sont pas moins pleines de bon sens. Oui, le débarquement de Normandie et la chute du mur ont, bien plus que d'autres événements, marqué profondément notre époque. Plus largement, la seconde guerre mondiale, qui a amené directement ou non à ces deux événements, a conditionné -- et conditionne toujours pour partie -- le monde dans lequel nous vivons. La terre a tremblé d'une épouvante sans précédent et qui n'a pas de nom, et elle en tremble encore.
Pour autant, j'ai été frappé par la faible résonance d'un autre événement qui, bien qu'il ne touche pas nos vies quotidiennes et qu'il n'ait pas affecté les grands équilibres internationaux autant que les deux précédents, me semble avoir une importance particulière, sans doute moins évidente, mais qui le placera peut-être en tête des chapitres consacrés au XXe siècle dans les livres d'histoires à venir... Je veux parler de la conquête de la lune.
Beaucoup se demandent encore à quoi cela a bien pu servir. On résume l'aventure à une querelle américano-russe mesquine (ne le sont-elles pas toutes ?). On s'ingénie à mesurer l'exploit à l'aune des souffrances humaines : « Pourquoi avoir dépensé tant d'efforts, avoir déployé tant de moyens, quand une bonne part de notre humanité crève ? » On cherche encore et toujours à comprendre pourquoi cela fut fait, quand on ne se contente pas de s'interroger benoîtement sur le comment de la chose ou, pire, si elle a vraiment eu lieu?
Or, cela fut. Le 21 juillet 1969, Neil Armstrong a marché sur la surface lune. Pour la première fois dans l'histoire du monde, après quelques millions d'années d'évolution, un mammifère terrestre s'est déplacé sur un sol qui n'était pas celui de la Terre. Des milliards d'êtres humains ont suivi l'événement en direct, certains comme jamais que l'Histoire, la vraie, s'écrivait sous leurs yeux dans la poussière grise du sol lunaire. Bien sûr, il s'agissait là d'une époustouflante prouesse technologique. Mais est-ce vraiment cela qui compte ? Est-ce cela qui bouleversa tant de gens devant leurs écrans ?
La marche malhabile d'Armstrong, c'était un peu la nôtre. L'Homme regarde à l'horizon et marche vers lui. Il en fut toujours ainsi, et ainsi toujours cela sera. Qu'importent alors les sacrifices humains ou matériels : là où porte notre regard, nous irons. C'est notre destinée. C'est même plus que cela : c'est notre second devoir après la préservation de l'espèce. C'est ce qui justifie la vie même.
Nous avons aujourd'hui l'habitude des vols spatiaux, et on trouverait presque grotesque de s'émerveiller encore quand les avions s'élèvent dans le ciel. Tout cela nous semble acquis, lointain, parfois même dépassé, et la magie avec le temps s'est usée comme une corde. Pour autant, je ne me lasserai jamais de revoir les images de ces hommes de la lune. Des milliers d'hommes avant moi avaient rêvé de cet instant dans les siècles passé : car il y avait une frontière dans le ciel de la nuit, mais voici, maintenant elle est effacée et nos regards peuvent porter plus loin. Et plus loin, nous irons.