Le tennis féminin actuel a un charme particulier, celui de l'incertitude permanente. Le machisme primaire tend à y constater l'inconstance faite femme. Les observateurs du tennis y décèlent souvent de grosses lacunes tactiques. Marion Bartoli avait broyé le jeu de la N.1 mondiale dimanche, elle a été dans l'incapacité de trouver la solution face à Vera Zvonareva deux jours plus tard. Désillusion pour la Française, confirmation pour la Russe qui va disputer sa première demi-finale en Grand Chelem, six ans déjà après son unique quart joué et perdu à Roland-Garros (2003).
"C'était dur, elle a fait un très gros match. J'ai joué contre une machine à renvoyer des balles, a résumé Marion désemparée. Je n'ai pourtant pas retenu mes coups. Mais ce n'est pas un drame. Parfois il faut seulement dire bravo. Elle a tout simplement été trop forte pour moi. J'ai l'impression qu'elle lit dans mon jeu comme dans un livre ouvert. Elle a toujours un temps d'avance et pour marquer un point il faut que je réussisse un coup absolument incroyable. J'en ai pu sortir quelques uns pour mener 3-1 mais on ne peut pas produire un tel niveau de jeu sur tout un match. C'est impossible."
Bartoli face à un mur... Son propre jeu ou une Zvonareva de feu ?
Voilà le paradoxe d'un circuit où les références ont rarement eu besoin de remettre en question leurs schémas de jeu pour remporter plusieurs titres, où Justine Henin et les soeurs Williams sont ou étaient des exceptions : d'un match à l'autre, la hiérarchie est bouleversée. Bartoli témoigne : "Contre Jankovic, j'avais beaucoup plus de marge, notamment sur ses deuxièmes balles. C'est frustrant d'être sur le court comme ça en ayant l'impression de n'avoir aucune solution. Et plus le match avançait moins elle ratait. C'est dur, surtout dans un quart de Grand Chelem. On n'est pas en train de jouer un premier tour à "Tataouine-les-Bains". Au bout de trois jeux, j'avais déjà l'impression d'avoir déjà joué pendant deux heures et demi. Mais c'était tellement intense. J'ai eu ensuite une petite baisse de régime et elle m'a marché dessus."
Il faut chercher la direction de ce match à sens unique autant vers l'impasse stratégique des Bartoli que dans la trajectoire ascendante de Vera Zvonareva. Si Marion avait joué comme Monica Seles comme on a pu le lire face à Jelena Jankovic, comment peut-elle se trouver aussi impuissante face à Vera Zvonareva par la suite ? " Son jeu me convient moins" avait-elle averti avant la rencontre. Ses six défaites pour une seule victoire face à la Russe, cela a certainement pesé dans la balance. Mais on ne peut pas tout expliquer par un avantage psychologique mineur.
Vera surfe sur plexicushion
La Russe ne possède pas un coup fatal, elle sait distribuer ses coups avec parcimonie, selon une conception du jeu que ne renierait pas Elena Dementieva. Les deux Russes ont connu un creux dans leur carrière. On évoquait des faiblesses mentales, des problèmes de concentration. Toutes les deux ont su cela dit renouveler leur jeu, et s'adapter aux évolutions du circuit. Sur le plexicushion de Pékin, aux JO, Vera avait obtenu la médaille de bronze. Sur le plexicushion de Melbourne, la protégée de Sam Sumyk est aussi à l'aise.
Prendre la balle très tôt ne suffit plus de nos jours, il faut donner du rythme en contre et avancer dans le court. Marion Bartoli, qui s'impose un rythme trop soutenu en permanence, peut-elle jouer de cette manière là toute la saison ? Peut-elle rejouer une finale de Grand Chelem ainsi ? Elle estime que Wimbledon est encore le lieu où son tennis agressif pourra le mieux s'exprimer. En attendant, le tennis féminin aura peut-être trouvé une successeure à Justine Henin ?