et avec la tête ? v2

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Les souvenirs lui revenaient par bribes. Son mariage qui faisait naufrage, son divorce trop longtemps évoqué, et la séparation. Puis ses conversations avec Murielle sur internet. Curieusement, il avait fini par vraiment tomber amoureux d'elle. Ils se comprenaient tellement bien avec leurs goûts en commun pour tant de choses. Alors, il s'était enfin décidé. Au bout de six mois de connivence sur le net, il partait la rejoindre en Australie. L'avion l'effrayant toujours autant, il avait décidé d'y aller en bateau. Il n'était plus à deux jours près et ça lui permettrait de faire un dernier point dans sa tête. Mais l'alerte assourdissante l'avait tiré de sa rêverie. Et la vue du pétrolier à quelques mètres de la proue du navire sur lequel il se trouvait le laissa figé sur place. Le choc fut effroyable et ce qu'il reçut sur la tête l'assomma aussitôt. Il se réveilla au contact de l'eau froide, trop froide. Et il coulait ! Il avait l'impression qu'un dragon lui soufflait un feu d'enfer dans la tête. Le choc reçu et la descente trop rapide dans cette eau froide qui le tétanisait. La nuit était profonde dans cet océan glacé et pourtant, il la vit arriver. Une sirène, avec le visage de Murielle ! Il pensa tout de même à l'ivresse des profondeurs, mais c'était tellement réaliste ! Elle avait même ce petit tatouage tribal sur l'épaule droite qu'il avait déjà vu sur une photo qu'elle lui avait envoyée. Elle arriva tout près et lui tendit la main, en souriant. Il n'hésita pas et la prit aussitôt. Ce fut une douleur atroce, mais qui s'estompa très vite. Son cerveau ne fonctionnait presque plus, et il continua de descendre. "Après tout, pourquoi pas" furent les derniers mots qu'il pensa, juste avant de mourir.
Le requin qui lui avait arraché le bras fut vite rejoint par ses congénères.
 
PoorMonsteR a dit:
Les souvenirs lui revenaient par bribes. Son mariage qui faisait naufrage, son divorce trop longtemps évoqué, et la séparation. Puis ses conversations avec Murielle sur internet. Curieusement, il avait fini par vraiment tomber amoureux d'elle. Ils se comprenaient tellement bien avec leurs goûts en commun pour tant de choses. Alors, il s'était enfin décidé. Au bout de six mois de connivence sur le net, il partait la rejoindre en Australie. L'avion l'effrayant toujours autant, il avait décidé d'y aller en bateau. Il n'était plus à deux jours près et ça lui permettrait de faire un dernier point dans sa tête. Mais l'alerte assourdissante l'avait tiré de sa rêverie. Et la vue du pétrolier à quelques mètres de la proue du navire sur lequel il se trouvait le laissa figé sur place. Le choc fut effroyable et ce qu'il reçut sur la tête l'assomma aussitôt. Il se réveilla au contact de l'eau froide, trop froide. Et il coulait ! Il avait l'impression qu'un dragon lui soufflait un feu d'enfer dans la tête. Le choc reçu et la descente trop rapide dans cette eau froide qui le tétanisait. La nuit était profonde dans cet océan glacé et pourtant, il la vit arriver. Une sirène, avec le visage de Murielle ! Il pensa tout de même à l'ivresse des profondeurs, mais c'était tellement réaliste ! Elle avait même ce petit tatouage tribal sur l'épaule droite qu'il avait déjà vu sur une photo qu'elle lui avait envoyée. Elle arriva tout près et lui tendit la main, en souriant. Il n'hésita pas et la prit aussitôt. Ce fut une douleur atroce, mais qui s'estompa très vite. Son cerveau ne fonctionnait presque plus, et il continua de descendre. "Après tout, pourquoi pas" furent les derniers mots qu'il pensa, juste avant de mourir.
Le requin qui lui avait arraché le bras fut vite rejoint par ses congénères.
Horrible et magnifique à la fois.

Un très beau texte. :zen:

Je ne voudrais surtout pas décourager les autres, bien au contraire!... J'ai hâte de lire les prochaines contributions... :love:

Mais le moins que l'on puisse dire est que ça commence fort... :up:
 
1986.
Après quelques essais infructueux d'études secondaires, je décidais de me lancer dans la vie active : le tatouage à domicile (rien de déclaré, tout dans ma fouille).
Deux machines importées des US, une alimentation à tension et intensité variables, un stérilisateur à air chaud, un nettoyeur à ultrasons, quelques babioles (calque, carbone ectographique, alcool, mercryl...) et roule !
L'été arrivant, un pote (qui faisait les couleurs et les remplissages pour m'aider), une copine et moi, on décide de partir pour l'île de Houat exercer notre talent (on connait le fils du maire - c'est notre pote, y'a plein de péchous et de toxicos en décro, bref, de la clientèle).
Je troque (momentanément) ma 900 bol d'or contre une vielle ford escort (premier modèle ?) en fin de vie et nous partons plein sud.
Quiberon, trouver une place de libre pour se garer deux semaines, c'est chaud. On y arrive quand-même et on prend le bateau.
Arrivés sur place, c'est l'hallu totale. Le moindre pêcheur est intéressé par notre turbin. On a bossé non-stop, se relayant pour dormir, pendant une semaine complète.
Vague déferlante (omoplate), panthère ondulant (dos), tête de tigre (épaule), chat sous la lune (bras), dragon en pleine ire (avant-bras), sirène aguicheuse (fesse), elfes torturés (poignet), réfection de motifs, mises en couleurs d'anciens travaux, transformations complètes... J'en passe et des meilleurs.
La pharmacienne de l'île commence à se demander si on ne se drogue pas à la pommade au placenta (encore autorisée à cette époque) que je recommande comme cicatrisant tellement la demande est forte.
Les iliens se traînent une réputation somme toute assez farouche !
Il est vrai que nos hôtes ne sont pas de la première délicatesse envers l'autorité externe et conquérante...
Deux agents stagiaires (sans doute sans humilté aucune) venant prêter main-forte pour la saison au gendarme basé sur l'île se sont retrouvés de nuit en haut d'un poteau électrique tandis que les autochtones les effrayaient en tirant au fusil de chasse.
La semaine terminée, nous sommes rentrés, crevés mais pleins au as et fiers comme des petits bancs.

Pis on a appris que notre pote, ayant mal supporté le naufrage de son couple, s'était fait un dernier fix, en chargeant la mule et en laissant une lettre.
Je ne retournerai sans doute jamais dans cette île, mais j'y ai passé de sacrés bons moments !


Edit : j'ai fait bref, j'aime pas ennuyer avec mes histoires de vieux ;) :D
 
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guytantakul a dit:
1986.
Après quelques essais infructueux d'études secondaires, je décidais de me lancer dans la vie active : le tatouage à domicile (rien de déclaré, tout dans ma fouille).
Deux machines importées des US, une alimentation à tension et intensité variables, un stérilisateur à air chaud, un nettoyeur à ultrasons, quelques babioles (calque, carbone ectographique, alcool, mercryl...) et roule !
L'été arrivant, un pote (qui faisait les couleurs et les remplissages pour m'aider), une copine et moi, on décide de partir pour l'île de Houat exercer notre talent (on connait le fils du maire - c'est notre pote, y'a plein de péchous et de toxicos en décro, bref, de la clientèle).
Je troque (momentanément) ma 900 bol d'or contre une vielle ford escort (premier modèle ?) en fin de vie et nous partons plein sud.
Quiberon, trouver une place de libre pour se garer deux semaines, c'est chaud. On y arrive quand-même et on prend le bateau.
Arrivés sur place, c'est l'hallu totale. Le moindre pêcheur est intéressé par notre turbin. On a bossé non-stop, se relayant pour dormir, pendant une semaine complète.
Vague déferlante (omoplate), panthère ondulant (dos), tête de tigre (épaule), chat sous la lune (bras), dragon en pleine ire (avant-bras), sirène aguicheuse (fesse), elfes torturés (poignet), réfection de motifs, mises en couleurs d'anciens travaux, transformations complètes... J'en passe et des meilleurs.
La pharmacienne de l'île commence à se demander si on ne se drogue pas à la pommade au placenta (encore autorisée à cette époque) que je recommande comme cicatrisant tellement la demande est forte.
Les iliens se traînent une réputation somme toute assez farouche !
Il est vrai que nos hôtes ne sont pas de la première délicatesse envers l'autorité externe et conquérante...
Deux agents stagiaires (sans doute sans humilté aucune) venant prêter main-forte pour la saison au gendarme basé sur l'île se sont retrouvés de nuit en haut d'un poteau électrique tandis que les autochtones les effrayaient en tirant au fusil de chasse.
La semaine terminée, nous sommes rentrés, crevés mais pleins au as et fiers comme des petits bancs.

Pis on a appris que notre pote, ayant mal supporté le naufrage de son couple, s'était fait un dernier fix, en chargeant la mule et en laissant une lettre.
Je ne retournerai sans doute jamais dans cette île, mais j'y ai passé de sacrés bons moments !


Edit : j'ai fait bref, j'aime pas ennuyer avec mes histoires de vieux ;) :D
Non seulement c'est très agréable à lire, mais en plus on apprend plein de trucs à ton sujet, mon cher Guytan!... :cool: :up:
Merci de t'être aussi bien raconté. :)


PS : Des histoires de vieux comme ça, personnellement, j'en redemande. :cool: :coucou:
 
Arrh ! merci, mais j'ai bien merdé sur l'histoire de la pharmacienne. on ne pige pas la fin de la phrase : Je recommande la pommade, c'est un fait - la pharmacienne se pose des questions à cause de la forte demande, un autre fait - bien différent ;)

Enfin, ce passage est assez mauvais, quoi :)
ou ne reflète pas exactement ce que je voulais exprimer, plutôt :) - oui, c'est ça ! ;) :D

Mais je participe pour jouer, comme aurait dit coubertin de pierre ;) :D
 
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guytantakul a dit:
Arrh ! merci, mais j'ai bien merdé sur l'histoire de la pharmacienne. on ne pige pas la fin de la phrase : Je recommande la pommade, c'est un fait - la pharmacienne se pose des questions à cause de la forte demande, un autre fait - bien différent ;)

Enfin, ce passage est assez mauvais, quoi :)
ou ne reflète pas exactement ce que je voulais exprimer, plutôt :) - oui, c'est ça ! ;) :D

Mais je participe pour jouer, comme aurait dit coubertin de pierre ;) :D
S'agissant de la phrase relative à la pharmacienne, j'avoue qu'il m'aura fallu trois lectures pour comprendre ce que tu voulais dire. ;)
Au départ, j'ai surtout apprécié la tournure gentiment farfelue de la phrase en question. :) Puis je me suis dit que je devais avoir loupé un truc, puis j'ai relu, et encore relu, et j'ai tout compris. :) Enfin, je crois!... :D
Mais je te rassure, la syntaxe est impeccable -comme l'orthographe, d'ailleurs- et chaque idée se tient. Y-compris s'agissant de cette pommade que tu recommandes comme cicatrisant, et qui éveille les soupçons de la pharmacienne en raison de son étonnant succès, sans doute lié à celui de certains tatoueurs clandestins. ;) :D
 
« Prêt ?
Goarsh n’hésita qu’une seconde. L’aire de transfert était pleine, les officiants surchargés et passablement de mauvaise humeur. Personne n’avait de temps à consacrer à un jeune démon angoissé par sa première invocation.
Il hocha la tête.
Presque instantanément, la mélopée sourde emplit son esprit, annihilant le brouhaha autour de lui. Cela faisait une semaine qu’il l’entendait constament en sourdine et il se souvenait encore de la joie et de l’entousiasme qu’avait générés son apparition – il allait enfin passer à l’âge adulte ! Il pourrait s’établir, il ne tenait qu’à lui, à son talent propre, de devenir le démon le plus respecté par ses pairs, le plus craint et vénéré par les hommes. Il était au début du chemin…
Il respira calmement, préparant mentalement un grognement du plus bel effet – impressionner l’invocateur afin qu’il ne vous confie pas de tâche subalterne, tel était le septième commandement !
Comme il s’y attendait, le transfert fut instantané, indolore, sans sensation particulière. Pressé de faire ses preuves, Goarsh surgit dans le monde des hommes au milieux de vapeurs pourpres et de flammes, fier de…
… Une montagne d’eau de mer glaciale lui tomba sur les épaules, le jetant à genoux, éteignant les flammes, emplissant sa bouche, son nez, le faisant tousser et boire, l’étouffant à moitié.
« Démon ! rugit l’homme – il s’était fait attacher au mat pour ne pas être emporté par les flots déchaînés, un grand maigre noir de poil et vêtu d’une robe de bure épaisse d’une couleur indéfinissable.
Autours, quelques bateaux, frêles coquilles de noix face aux murailles liquides vert sombre, tentaient de ne pas sombrer, balayés par des paquets de mer, cahotés, jetés les uns contre les autres, disloqués parfois par la furie hurlante des éléments. Le ciel était d’un noir d’encre irrisé d’éclairs aveuglants, le fracas assourdissant.
Des hommes, pâles mais l’épée brandie, insultaient d’autres hommes, se battaient quand les hasards du chaos rapprochaient leurs navires, leur permettait de s’accrocher, de monter à l’abordage – souvent pour couler de concert au roulement suivant de la mer.
Goarsh ne comprennait pas un mot de ce que lui réclamait l’invocateur, trop occupé à ne pas verser par dessus bord, les oreilles emplies du grondement incessant du tonnerre, l’esprit en déroute – où étaient la révélation du premier transfert, la joie de servir, la fierté d’accomplir ce pour quoi on est né, toutes ces choses merveilleuses et tant vantées par ses maîtres ? Qu’on lui laisse donc le temps de rassembler ses esprits et d’agir au lieu de le secouer comme ça !
Il tenta de se remettre debout. Mais aussitôt, le sol vint à sa rencontre. Quelque chose le heurta aux chevilles et un morceau de mat lui tomba sur le crâne. Il retomba, cul par dessus tête, roulant sur le pont devenu presque vertical, accompagné dans sa chute d’un rouleau de corde, d’un tonneau, de quelques cadavres, se rattrapant au dernier moment au bastingage, les pattes arrière pendant dans le vide.
Un éclair particulièrement violent déchira la nuit, frappant le mat et l’homme attaché là, embrasant sa bure et consumant son poil. Le navire se fendit sur toute sa longueur avant que la mer ne l’avale dans un grondement d’apocalypse.
Le tout n’avait pas pris plus de quelques secondes.
Goarsh avait eu le temps de voir quelques autres de son clan – sous des formes diverses, dragons, hypocrifes, sirènes, griphons, tritons et même un sphinx hurlant sa colère de n’avoir pas été invoqué sous une forme plus pratique pour nager.
Voilà pourquoi l’aire de départ était si encombrée, quelque guerre stupide des hommes…
Balloté dans les flots, aveuglé, heurté, cogné par des débris de toutes sortes, Goarsh fulminait sans pouvoir rien faire, remâchant sa déception, sa frustration. Nom du Prince ! Il avait été invoqué pour rien, son invocateur était mort avant même de lui avoir assigné une tâche. Quel gachis ! Sa première mission était un véritable naufrage ! Comment pourrait-il regarder sa mère en face après ça ?
Tous ses frères et sœurs avaient brillament réussi leur premier voyage en terre humaine, leur rite de passage, ils étaient devenus de véritables démons et avaient gagné haut la griffe leur premier tatouage rituel.
Et lui ?
Il finirait démonet dans une épée ou une porte enchantée, un travail stupide, à peine digne des clans du huitième enfer.
La rage le submergea. Autour de lui, la mer se mit à fumer, changée instantanément en une brume rouge. Ses ailes se déployèrent, il prit son envol, dominant la mêlée, les yeux flamboyant de furie guerrière. Il allait…
« Goarsh !
« Maman ?
« Qu’est-ce que tu fais ? Veux-tu rentrer à la maison !
« Mais maman !
« Pas de mais, Goarsh, ton invocateur est mort, tu rentres ! J’ai bientôt fini… Attends, vu le décalage temporel, je devrais être de retour dans un mois, six jours, trois heures. Dis à papa de me faire couler un bon bain de lave, je pue le sel et le guano et je déteste ça. Allez file ! »
La tête basse, la queue entre les pattes arrière, Goarsh rentra sa fureur et procéda au transfert arrière – ça au moins, il pouvait le réussir sans effort. Il laissa les hommes, il laissa le chaos, le bruit, la fureur des éléments pour retrouver le calme tranquille de son enfer ordonné et stable. Haletant, trempé, il jeta un coup d’œil désabusé et triste sur l’alignement impécable des cavernes où il habitait, toujours chez ses parents – sans doute pour longtemps encore au vu de sa prestation...
Peut-être, si père faisait jouer ses relations, pourrait-il devenir démon de transfert, travaillant sur les aires de départ à la gloire des autres, le corps à jamais désespérément glabre de tout tatouage rituel.
C’était l’initiation démoniaque la plus courte et la plus minable dont il aie jamais entendu parler !
 
Bonjour à tous :coucou:
Je découvre avec plaisir et frissons un nouveau coin "malfamé" du bar Makgé !
Voilà donc ma modeste contribution :


Ce jour là, le ciel était d'un bleu glacial et le soleil semblait s'y être figé, tel un papillon mourant épinglé pour l'éternité. Henk plissa malgré tout ses paupières devant la froide lumière, puis ses yeux revinrent sur le dragon.
Il n'avait bien entendu, jamais vu de dragon et sa seule expérience en ce domaine, se limitait aux histoires que le vieux Rauch aimaient à cultiver dans la taverne du port, contre quelques pintes de bière. Henk lui même aux cours de ces nombreuses traversées, n'avait été que très rarement témoin de l'apparition de ces créatures mythiques dont l'homme s'est amusé à peupler l'océan. Il ne se souvenait que de cette nuit de tempête au large de Korkhe. Cette nuit où son bateau avait fait naufrage et l'avait emmené lui et tout l'équipage au plus profond de la masse noire des eaux, là où l'océan lui-même se transforme en une matière épaisse et sombre qui vous avale et vous digère. C'est dans ce noir palpable et sans fin qu'il l'avait vu. la sirène...
Il chassa cette image de son esprit. Le dragon était toujours là, immobile, face à lui comme un long mur d'écailles. Henk reprit sa respiration, il fallait en finir. Il resserra l'étreinte de sa main autour de la poignée et piqua près du flanc. Une goutte de sang vermeil perla, mais pas un frémissement. Henk la mâchoire crispée continua à faire jouer sa lame.
- " Voilà, c'est fait ! "
L'autre lâcha un grognement plaintif, lorsqu'il remit sa tenue sur son dos douloureux.
- " C'est normal, le tatouage devrait vous lancer encore quelques jours... surtout un dragon de cette taille ! "
Henk laissa le marin refermer la porte derrière lui. Il fit avancer sa chaise roulante jusqu'à la fenêtre et perdit son regard dans le ciel. Le soleil continuait d'y expirer lentement. Henk repensait à son dernier voyage et à cette nuit qui lui avait coûté ses jambes. Jamais il ne saurait si cette sirène au regard brûlant était venue pour l'entraîner plus profondément encore, ou si elle l'avait juste aidé à retrouver le chemin de la surface...
 
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Réactions: lumai et Human-Fly
PonkHead a dit:
« Prêt ?
Goarsh n�hésita qu�une seconde. L�aire de transfert était pleine, les officiants surchargés et passablement de mauvaise humeur. Personne n�avait de temps à consacrer à un jeune démon angoissé par sa première invocation.
Il hocha la tête.
Presque instantanément, la mélopée sourde emplit son esprit, annihilant le brouhaha autour de lui. Cela faisait une semaine qu�il l�entendait constament en sourdine et il se souvenait encore de la joie et de l�entousiasme qu�avait générés son apparition � il allait enfin passer à l�âge adulte ! Il pourrait s�établir, il ne tenait qu�à lui, à son talent propre, de devenir le démon le plus respecté par ses pairs, le plus craint et vénéré par les hommes. Il était au début du chemin�
Il respira calmement, préparant mentalement un grognement du plus bel effet � impressionner l�invocateur afin qu�il ne vous confie pas de tâche subalterne, tel était le septième commandement !
Comme il s�y attendait, le transfert fut instantané, indolore, sans sensation particulière. Pressé de faire ses preuves, Goarsh surgit dans le monde des hommes au milieux de vapeurs pourpres et de flammes, fier de�
� Une montagne d�eau de mer glaciale lui tomba sur les épaules, le jetant à genoux, éteignant les flammes, emplissant sa bouche, son nez, le faisant tousser et boire, l�étouffant à moitié.
« Démon ! rugit l�homme � il s�était fait attacher au mat pour ne pas être emporté par les flots déchaînés, un grand maigre noir de poil et vêtu d�une robe de bure épaisse d�une couleur indéfinissable.
Autours, quelques bateaux, frêles coquilles de noix face aux murailles liquides vert sombre, tentaient de ne pas sombrer, balayés par des paquets de mer, cahotés, jetés les uns contre les autres, disloqués parfois par la furie hurlante des éléments. Le ciel était d�un noir d�encre irrisé d�éclairs aveuglants, le fracas assourdissant.
Des hommes, pâles mais l�épée brandie, insultaient d�autres hommes, se battaient quand les hasards du chaos rapprochaient leurs navires, leur permettait de s�accrocher, de monter à l�abordage � souvent pour couler de concert au roulement suivant de la mer.
Goarsh ne comprennait pas un mot de ce que lui réclamait l�invocateur, trop occupé à ne pas verser par dessus bord, les oreilles emplies du grondement incessant du tonnerre, l�esprit en déroute � où étaient la révélation du premier transfert, la joie de servir, la fierté d�accomplir ce pour quoi on est né, toutes ces choses merveilleuses et tant vantées par ses maîtres ? Qu�on lui laisse donc le temps de rassembler ses esprits et d�agir au lieu de le secouer comme ça !
Il tenta de se remettre debout. Mais aussitôt, le sol vint à sa rencontre. Quelque chose le heurta aux chevilles et un morceau de mat lui tomba sur le crâne. Il retomba, cul par dessus tête, roulant sur le pont devenu presque vertical, accompagné dans sa chute d�un rouleau de corde, d�un tonneau, de quelques cadavres, se rattrapant au dernier moment au bastingage, les pattes arrière pendant dans le vide.
Un éclair particulièrement violent déchira la nuit, frappant le mat et l�homme attaché là, embrasant sa bure et consumant son poil. Le navire se fendit sur toute sa longueur avant que la mer ne l�avale dans un grondement d�apocalypse.
Le tout n�avait pas pris plus de quelques secondes.
Goarsh avait eu le temps de voir quelques autres de son clan � sous des formes diverses, dragons, hypocrifes, sirènes, griphons, tritons et même un sphinx hurlant sa colère de n�avoir pas été invoqué sous une forme plus pratique pour nager.
Voilà pourquoi l�aire de départ était si encombrée, quelque guerre stupide des hommes�
Balloté dans les flots, aveuglé, heurté, cogné par des débris de toutes sortes, Goarsh fulminait sans pouvoir rien faire, remâchant sa déception, sa frustration. Nom du Prince ! Il avait été invoqué pour rien, son invocateur était mort avant même de lui avoir assigné une tâche. Quel gachis ! Sa première mission était un véritable naufrage ! Comment pourrait-il regarder sa mère en face après ça ?
Tous ses frères et s�urs avaient brillament réussi leur premier voyage en terre humaine, leur rite de passage, ils étaient devenus de véritables démons et avaient gagné haut la griffe leur premier tatouage rituel.
Et lui ?
Il finirait démonet dans une épée ou une porte enchantée, un travail stupide, à peine digne des clans du huitième enfer.
La rage le submergea. Autour de lui, la mer se mit à fumer, changée instantanément en une brume rouge. Ses ailes se déployèrent, il prit son envol, dominant la mêlée, les yeux flamboyant de furie guerrière. Il allait�
« Goarsh !
« Maman ?
« Qu�est-ce que tu fais ? Veux-tu rentrer à la maison !
« Mais maman !
« Pas de mais, Goarsh, ton invocateur est mort, tu rentres ! J�ai bientôt fini� Attends, vu le décalage temporel, je devrais être de retour dans un mois, six jours, trois heures. Dis à papa de me faire couler un bon bain de lave, je pue le sel et le guano et je déteste ça. Allez file ! »
La tête basse, la queue entre les pattes arrière, Goarsh rentra sa fureur et procéda au transfert arrière � ça au moins, il pouvait le réussir sans effort. Il laissa les hommes, il laissa le chaos, le bruit, la fureur des éléments pour retrouver le calme tranquille de son enfer ordonné et stable. Haletant, trempé, il jeta un coup d��il désabusé et triste sur l�alignement impécable des cavernes où il habitait, toujours chez ses parents � sans doute pour longtemps encore au vu de sa prestation...
Peut-être, si père faisait jouer ses relations, pourrait-il devenir démon de transfert, travaillant sur les aires de départ à la gloire des autres, le corps à jamais désespérément glabre de tout tatouage rituel.
C�était l�initiation démoniaque la plus courte et la plus minable dont il aie jamais entendu parler !
Quelques petits ennuis typographiques, en particulier avec les points et les apostrophes... ;)
Mais une plaisante histoire de démon débutant et rageur, qui ne parvient pas à ajouter sa touche personnelle dans l'horreur provoquée par les hommes, ou par le déchaînement des éléments...
Un texte épique, qui ne manque pas d'humour ni d'ironie... :up:
 
lufograf a dit:
Bonjour à tous :coucou:
Je découvre avec plaisir et frissons un nouveau coin "malfamé" du bar Makgé !
Voilà donc ma modeste contribution :


Ce jour là, le ciel était d'un bleu glacial et le soleil semblait s'y être figé, tel un papillon mourant épinglé pour l'éternité. Henk plissa malgré tout ses paupières devant la froide lumière, puis ses yeux revinrent sur le dragon.
Il n'avait bien entendu, jamais vu de dragon et sa seule expérience en ce domaine, se limitait aux histoires que le vieux Rauch aimaient à cultiver dans la taverne du port, contre quelques pintes de bière. Henk lui même aux cours de ces nombreuses traversées, n'avait été que très rarement témoin de l'apparition de ces créatures mythiques dont l'homme s'est amusé à peupler l'océan. Il ne se souvenait que de cette nuit de tempête au large de Korkhe. Cette nuit où son bateau avait fait naufrage et l'avait emmené lui et tout l'équipage au plus profond de la masse noire des eaux, là où l'océan lui-même se transforme en une matière épaisse et sombre qui vous avale et vous digère. C'est dans ce noir palpable et sans fin qu'il l'avait vu. la sirène...
Il chassa cette image de son esprit. Le dragon était toujours là, immobile, face à lui comme un long mur d'écailles. Henk reprit sa respiration, il fallait en finir. Il resserra l'étreinte de sa main autour de la poignée et piqua près du flanc. Une goutte de sang vermeil perla, mais pas un frémissement. Henk la mâchoire crispée continua à faire jouer sa lame.
- " Voilà, c'est fait ! "
L'autre lâcha un grognement plaintif, lorsqu'il remit sa tenue sur son dos douloureux.
- " C'est normal, le tatouage devrait vous lancer encore quelques jours... surtout un dragon de cette taille ! "
Henk laissa le marin refermer la porte derrière lui. Il fit avancer sa chaise roulante jusqu'à la fenêtre et perdit son regard dans le ciel. Le soleil continuait d'y expirer lentement. Henk repensait à son dernier voyage et à cette nuit qui lui avait coûté ses jambes. Jamais il ne saurait si cette sirène au regard brûlant était venue pour l'entraîner plus profondément encore, ou si elle l'avait juste aidé à retrouver le chemin de la surface...
Concision et simplicité pour cette plaisante histoire, qui invite le lecteur à un voyage peuplé de créatures fabuleuses... Le temps d'une séance de tatouage...
J'aime beaucoup l'idée. :zen:
 
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Réactions: lufograf
Human-Fly a dit:
Quelques petits ennuis typographiques, en particulier avec les points et les apostrophes... ;)
Je n'utiliserais plus des produits merdiques comme Word pour écrire mes textes
Je n'utiliserais plus des produits merdiques comme Word pour écrire mes textes
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...
 
Voilà, ils arrivent.
Au loin, Jean voit enfin la bande jaune de terre. Bientôt, ils discerneront les quelques habitations de Fort Saint Louis. Et dans quelques heures leur bateau aura accosté, pendant que leurs bagages attendront sur le port.
Première partie du voyage.
Il y est enfin en cette terre d'Afrique. Les premiers écueils ont été évités : naufrages et dragons ne sont plus à craindre.
Jean serre dans sa poche le Roman d'un Spahi. Avant de partir, Pierre lui a demandé d'y lui noter ce qui avait pu changer à Fort Saint Louis depuis son passage. Il espère avoir le temps, ce soir, de prendre quelques notes avant que leur caravane soit réunie.
Quelques notes avant de s'enfoncer en cette terre. Le désert de pierres serait, paraît-il, tout aussi habité que celui de la mer. Les sirènes y seraient couvertes de tatouages et leur chants siffleraient dans les vents glacials de la nuit.
À mesure que la terre se rapproche, Jean sent un peu plus l'odeur du désert. Il sait qu'il en sera rapidement imprégné et qu'alors ce sera le parfum de l'océan qu'il devra rechercher.
Demain, la caravane partira.
 
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Réactions: Human-Fly et lufograf
lumai a dit:
Voilà, ils arrivent.
Au loin, Jean voit enfin la bande jaune de terre. Bientôt, ils discerneront les quelques habitations de Fort Saint Louis. Et dans quelques heures leur bateau aura accosté, pendant que leurs bagages attendront sur le port.
Première partie du voyage.
Il y est enfin en cette terre d'Afrique. Les premiers écueils ont été évités : naufrages et dragons ne sont plus à craindre.
Jean serre dans sa poche le Roman d'un Spahi. Avant de partir, Pierre lui a demandé d'y lui noter ce qui avait pu changer à Fort Saint Louis depuis son passage. Il espère avoir le temps, ce soir, de prendre quelques notes avant que leur caravane soit réunie.
Quelques notes avant de s'enfoncer en cette terre. Le désert de pierres serait, paraît-il, tout aussi habité que celui de la mer. Les sirènes y seraient couvertes de tatouages et leur chants siffleraient dans les vents glacials de la nuit.
À mesure que la terre se rapproche, Jean sent un peu plus l'odeur du désert. Il sait qu'il en sera rapidement imprégné et qu'alors ce sera le parfum de l'océan qu'il devra rechercher.
Demain, la caravane partira.
Une histoire qui m'en rappelle une autre, toute personnelle celle-là...
Parce qu'il se trouve que j'ai traversé le Sahara, en des temps immémoriaux...
Bref, un texte qui me donne envie d'y retourner!... :love:
 
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Réactions: lumai

Drap blanc sur la tête du dragon
Ouragan au coeur du lagon

Tapis bleu comme un tatouage
Déroulé le long du rivage

Barrons-nous vite dans le bateau
Qui boit le coup avec Rimbaud

Sire voici venir la sirène
Tellement plus belle que votre reine

N'aurions-nous qu'un petit naufrage
Ensemble nous ferions équipage


Mots imposés : dragon, tatouage, bateau, sirène, naufrage.
Une petite contrainte supplémentaire pour un vers sur deux : drap - dragon, tapis - tatouage,...

:zen: :zen: :zen:
 
loustic a dit:

Drap blanc sur la tête du dragon
Ouragan au coeur du lagon

Tapis bleu comme un tatouage
Déroulé le long du rivage

Barrons-nous vite dans le bateau
Qui boit le coup avec Rimbaud

Sire voici venir la sirène
Tellement plus belle que votre reine

N'aurions-nous qu'un petit naufrage
Ensemble nous ferions équipage


Mots imposés : dragon, tatouage, bateau, sirène, naufrage.
Une petite contrainte supplémentaire pour un vers sur deux : drap - dragon, tapis - tatouage,...

:zen: :zen: :zen:
Félicitations, Loustic. :zen:

Au-delà de la petite contrainte supplémentaire que tu mentionnes, j'observe que tu as choisi d'en observer une autre, tout aussi facultative, que j'observe d'ailleurs moi-même à chacune de mes participations : le fait d'employer les mots imposés dans l'ordre dans lequel ils ont été énoncés dans le post donnant le sujet de la session. ;) :) Je l'avais d'abord fait par ignorance des règles de ce petit jeu, et j'en ai ensuite fait une sorte d'habitude ludique, à laquelle je tiens désormais beaucoup. :)

Mais ce n'est pas du tout la raison principale qui me fait aimer ce texte. Non plus que la versification libre comme choix stylistique, ou autre "contrainte facultative". ;) J'en profite d'ailleurs pour dire que ces vers sont fort bien utilisés. :)

Si ton texte me plaît, c'est avant tout parce qu'il exprime de très belles idées, qui plus est exprimées dans une forme particulièrement poétique. :love:
 
J'avoue que j'espérais des participations un peu plus nombreuses, d'autant que parmi les absences les plus remarquées, comptent certaines posteuses et certains posteurs parmi celles et ceux pour qui j'ai le plus d'estime. :)
Ceci dit, faute de quantité, la qualité, elle, n'a pas manqué. :zen: Bravo à toutes et tous. :zen:
Et puis, voyons le bon côté des choses, ainsi toutes les contributions tiennent sur une seule et même page. :up:

Choisir m'a été difficile... :heu:

Mais la victoire revient finalement à guytantakul! :king:

Merci pour tes histoires de vieux. :)
Tu m'as donné envie de retrouver ton île, les tatoueurs et les tatoués. :) Sans oublier la pharmacienne, évidemment!... ;) :D

Guytan, c'est à toi... :zen:
 
Ah ! Merde ! C'était pas prévu :D (merci toutefois, même si c'est un peu déstabilisant...)

Bon, bon, je propose donc un tour "back to the roots hardcore" à deux variables :
a) octosyllabes imposées (c'est pas une variable, là, mais une constante !)
b) versification souhaitée (là on fait comme on veut/peut, j'oblige personne - ce n'est pas rédhibitoire, en tout cas)

Les cinq éléments indispensables :
- orange
- torsion
- nadir
- réclusion
- biométrie

Le sujet est libre, je ne suis pas si vache que ça ;) :D
 
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Réactions: macelene
guytantakul a dit:
Ah ! Merde ! C'était pas prévu :D (merci toutefois, même si c'est un peu déstabilisant...)

Bon, bon, je propose donc un tour "back to the roots hardcore" à deux variables :
a) octosyllabes imposées (c'est pas une variable, là, mais une constante !)
b) versification souhaitée (là on fait comme on veut/peut, j'oblige personne - ce n'est pas rédhibitoire, en tout cas)

Les cinq éléments indispensables :
- orange
- torsion
- nadir
- réclusion
- biométrie

Le sujet est libre, je ne suis pas si vache que ça ;) :D
Et le délais, il est libre aussi? :p
:D

Par ailleurs, cela fait plus de dix ans que je n'ai pas écrit en octosyllabes, et j'ai hâte de m'y remettre!... :p

:cool:
 
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Réactions: guytantakul
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