Bon, allez, j'ai eu le temps ce soir, voilà ma collaboration...
Un sourire, un bonheur, donc...
UN SOURIRE, UN BONHEUR
MOTS A EMPLOYER AVEC LES DETERMINANTS DÉFINIS : "le , la , l' " j'y tiens!:
LA PETITE FILLE
LA TRAVERSÉE
L'AU - DELÀ
LE SOIR
LE FOULARD
Ca y est, la voilà... La mer. Une immensité bleue, tirant sur le rouge par endroits, à cause du soleil couchant, brillant comme hérissée de diamants.
Je ferme les yeux... J'écoute...
Le chuchotement de la marée, le caquetage des mouettes loin au dessus.
Le brouhaha des conversations.
Un homme demande à sa femme si elle veut qu'il lui passe son pull.
Il ne fait pas froid pourtant.
Un enfant réclame à boire, sa soeur demande à manger.
Une vieille dame toussote. Une femme glisse à l'oreille de son mari des propos compromettants.
Le ronronnement du moteur du bateau se fait plus insistant. Il va être temps de monter.
Je rouvre les yeux. Le vieux bateau est devant moi. Les autres passagers se pressent dedans. Sa carlingue luit faiblement dans la lumière du crépuscule.
C'est à mon tour de monter. Marie se penche par dessus mon épaule.
Est ce que je suis prêt ? Oui, je crois, enfin j'espère.
Elle empoigne les poignées et pousse mon fauteuil.
Nous nous engageons sur la rampe qui mène sur le bateau.
Le fauteuil but contre le bord de la carlingue. Je serre les dents et ferme les yeux à m'en fendre les paupières.
Nom de dieu, quelle douleur. J'aurai du m'y attendre, le moindre choc me fait l'effet d'un millier de lame chauffées à blanc traversant mon corps, ça dure depuis quelques jours, ou peut être quelques quelques semaines? des mois ? Je ne sais plus. Les séances de chimio me flinguent la mémoire.
J'ai oublié tant de choses dont je voudrais me rappeler.
La fragrance de l'herbe fraîchement coupée. La sensation qui vous envahit quand vous vous précipitez nu contre une vague en été, le frisson qui vous parcoure quand on vous parcoure la colonne vertébrale avec le bout des doigts. Ma colonne vertébrale, je ne la sens plus de toute façon, trop de morphine. Il paraît que ça vaut mieux.
J'ai même oublié le goût des lèvres d'une femme. Je peux voir, imaginer, mais pas retrouver ce goût sur mes lèvres, recréer la sensation d'une bouche s'ouvrant sous la vôtre, la texture d'une joue, d'un sein...
Me voilà sur le pont. Marie m'installe à la proue, devant les bancs remplis d'autres passagers. Tant mieux, je ne veux pas avoir à supporter leurs regards plein de pitié où de dégoût pendant toute
la traversée.
Deserre-le.
Le foulard, là, il me serre... Je n'arrive plus à parler, il va falloir que je lève la main à mon cou. C'est douloureux. Elle a compris, elle déserre le bout de tissu. Je respire un peu mieux, mais ce qui reste de mes poumons me fait un mal de chien.
Un chien, j'avais un chien... enfin je crois, je ne sais plus.
Le bateau s'ébranle, il commence à bouger. Je ferme les yeux à nouveau. Je me laisse porter par le ressac...
Je veux pas mourir, putain, je veux pas. Comment c'est la mort ? Qu'est ce qu'il y a dans
l'Au-Delà ? Si toutefois il existe...
Si il y a un Dieu là-haut, alors j'aurai deux mots à lui dire. Pourquoi moi ?
J'ai pas été un Saint, ni un exemple, mais quand même.
Une petite fille est appuyée contre le garde fou, elle regarde l'eau défiler sous ses pieds, je suppose. J'ai fait ça, quand j'étais gosse aussi...
Et toi, gamine, pour toi, qu'est ce qu'il y a, après ?
Je n'ai pas parlé, mais elle se retourne. Elle me regarde... Non, ne me regarde pas, ne me regarde pas...
Elle continue pourtant. Elle a de grands yeux gris clair, dans lequel on voit se refléter les nuages. Mais je ne vois pas de pitié dans ces yeux là, pas de dégoût, rien du tout.
La petite fille me regarde, ses cheveux ondulent autour de son visage, dans la lumière du soleil couchant...
Elle me sourit.
Oui... tu as raison, ça doit être ça qu'il y a après. La paix, tout simplement...
Je me laisse aller en arrière, ça devrait me faire mal, mais je ne sens rien. Plus rien... Je n'entends plus le bruit du moteur, ni celui des conversations, rien que le bruit de l'eau, et le bruit du vent.
Ca me revient...
Cette odeur, si indéfinissable, forte, ennivrante, mais apaisante...
Cette onde de fraîcheur qui vous frappe le torse, les gouttelettes qui ruissellent sur votre peau...
Une caresse sur le dos, et tout votre corps qui répond par un tremblement incontrôlable, de haut en bas, ou l'inverse. Les poils sur la nuque qui se hérissent...
C'était tiède, sucré, comme le meilleur fruit sur la terre, un souffle de vie s'ouvrant sous votre bouche, vous aspirant tout entier...
Une aréole se durcissant sous une paume, la chair répondant à une délicate pression de la main...
Oui, c'était ça, la vie.
C'est ça mourir?
Génial, je comprends pourquoi on garde la mort pour la fin...
Mourir
le soir... Ce soir.
Pierrou