Parce que, c'est malhereux à dire, mais de nos jours, une aire d'autoroute, la nuit, ça n'est pas un endroit sûr.
La camionette s'est mise soudain à danser la gigue, les porte ont été ouvertes à la volée, j'ai entendu des cris, des bruits de coups.
"Descend, fils de pute, j'vais t'fumer la tetê moi !"
La fille s'est mise à crier.
"Ta gueule. Tu files, tu n'as rien vu, il ne s'est rien passé. Oublies pas que je connais ton frère, j'te retrouve si tu parles, compris ?"
"'tain les gars, vous voulez quoi, a couiné Raymond. On peut s'aranger pas vrai ? Hein ?
"R'garde-le, la queue à l'air, a fait un des types.
Il y a eu un bruit de dur contre de la peau, Raymond a grogné une fois de plus, mais pas de plaisir cette fois.
"Tu fous le corps dans l'herbe ! Momo, tu vérifies le stock. On se casse les mecs, on se casse !"
J'étais tétanisé, je me suis demandé ce que j'avais fait au bon dieu pour mériter ça.
Je me suis surtout demandé ce que des voleurs pouvaient bien vouloir à une camionette moucrave transportant un gateau destiné à une kermesse de femmes mures.
Momo a ouvert la porte arrière.
Il y a eu un grand blanc.
"Merde, a fait Momo, Manu, c'est pas des portables, c'est un gateau !
"Quoi ?
"Un gateau, j'te jure, viens voir"
Je les ai entendu cavaler, se masser à l'arrière de la camionette.
"C'est pas possible ! Bordel, CA N'EST PAS POSSIBLE !"
Ils sont monté, Manu, Momo, Mimi, Mama, j'avais l'impression d'une horde de furieux à surnoms mamemimomu - je crois qu'en fait, à ce moment là j'ai un peu perdu pieds, voire que je me sois un peu pissé dessus - je préfère ne pas en parler, oublier.
Une seconde de blanc.
L'instant d'après, les furieux basculaient le gateau et mon poid actionnait la manette...
PAF !!!!!
Comme le gateau avait prit du gîte, je suis allé m'écraser comme une merde contre le pare-brise, au milieu d'une gerbe étincellante de crème et de conféttis colorés - un point pour les artificiers.
Le gateau a explosé.
A moitié assomé, j'ai eue la vision de trois types cagoulés, recouverts de chantilly rose et verte (l'un avait même une cerise confite collée sur l'oeil droit), les bras ballants, la bouche ouverte et le regard stupide fixé sur moi.
Ensuite, je ne sais pas comment, je me suis retrouvé dehors, à hurler, à courir.
Surtout à courir, Ben Jonhson sous amphet', dans la nuit, dans l'herbe, le long de la voie où hurlaient des centaines de voitures, de camions, de motos, complètement à poil (impossible de me souvenir quand ce foutu string a ouverture facile s'était fait la malle), couvert de transpiration, de pisse et de crème fouétté, des confétis multicolores partout et la plus belle frousse de ma vie aux trousses...
Je ne sais pas s'ils m'ont poursuivi.
Tout ce que je sais, c'est que quand j'ai rencontré la femme habillée en lapin, ils n'étaient plus à mes trousses