Je me suis servi de ce personnage pour m'aider, placer des mots sur des plaies, ou sur des comportements. Y voir plus clair. Je pensais m'être suffisamment protégé du regard de mon héroïne. Elle qui était l'objet premier de ce fil, s'en est retrouvée lectrice, et sujet.
J'écrivais pour évacuer ma douleur, et ce mouvement me revenait dessus, tel un boomerang, en semant encore la désolation chez celle que, précisément, je voulais ici protéger de moi.
À la difficulté grandissante de doubler une identité, fusse-t-elle virtuelle, s'additionnait donc l'imbrication intime mais publique d'un dialogue privé et secret.
Je sais quelle douleur mes mots ont créé chez toi, ou, plutôt, j'en sais une partie. Je crois aussi comprendre par quels mécanismes ils furent salvateurs pour nous.
Je vis dans une carapace, qui me cache et me protège de l'extérieur. Et l'extérieur commence là où respire ma peau. La mer qui roule fut une façon nouvelle de me confronter à ma propre vérité. A me forcer à dialoguer avec moi même, au risque d'un personnage insensible aux autres. Je n'ai triché dans aucun des mots que j'ai placés ici, même si tous, sauf deux exceptions spontanées notables, ont été maîtrisés dans leur agencement intime. Très certainement, je les ai écris pour m'aider à comprendre mon impuissance à aimer. A t'aimer. A m'aimer. A accepter l'amour.
L'anonymat permettait ça, tant qu'un seul ami m'en était témoin. La levée partielle de cette couverture à d'autres lecteurs fut une première cassure. Ton regard en fut une autre. Je sais que tu as aimé ce personnage autant qu'il t'a fait mal. Je ne regretterais pas non plus sa disparition.
Ce fil n'est pas le mien. Il est, il a été créé pour toi. Je me suis longtemps refusé à le dire ici, me convaincant que cela nous appartenait, à toi et à moi. Et à personne d'autre.
Et pourtant, cette absence de don public semble te peser autant qu'à moi.
Je ressens maintenant la nécessité de le dire, sans que je n'en maîtrise toutes les conséquences.
Non pas que je veuille par là que tu me pardonnes. Je ne vois pas comment cela serait possible.
Mais par souci d'honnêteté avec ceux qui sont venus à ma rencontre, qui m'ont aidé et ému. A qui je dois de dire combien il est égoïste de ma part de les prendre à témoin de tourments si intimes. Et qu'il me faut remercier par cette bouche-là, et non par une autre.
Parce qu'il n'est finalement pas pire de le formuler, même si cela est difficile.
Parce que je te le dois.
Parce que cela clôt l'histoire de ce personnage.
Et parce que le faire, c'est aussi essayer de te dire combien je suis heureux que tu sois venue ici, et te remercier de me permettre, une fois encore, de vivre cette émotion intense : écrire en pleurant.
Je t'aime. Mal. Mais j'aime mal, que veux-tu...
À bientôt.